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Bitcoin, la bonne intuition monétaire

Bitcoin, la bonne intuition monétaire

Pourquoi continuons-nous à faire confiance à une monnaie manipulée par l’État ? Et si, malgré les distorsions du système actuel, notre intuition économique était juste depuis le début ?

Ulrich Fromy
Ulrich Fromy
Publié le 21/02/2025Mis à jour le 21/02/2025

En bref

Les acteurs économiques adoptent instinctivement une approche saine de la monnaie, du crédit et du système bancaire, malgré les distorsions imposées par l’État. Leur confiance dans une monnaie stable et une épargne sécurisée révèle une préférence naturelle pour un système monétaire libre. Et si Bitcoin incarnait enfin cette vision intuitive de la monnaie ?

Bitcoin est l’idée que tout le monde se fait de la monnaie

Mises disait des acteurs économiques qu’ils sont “incorrigibles” (Mises, Human Action, p. 576) lorsqu’il s’agit d’apprendre à éviter les causes, pourtant bien identifiées, des cycles de crises associés à l’expansion de la masse monétaire. Il disait lui-même dans the “Manipulation of Money and Credit” ce qui « demande une explication particulière, c’est la raison pour laquelle on tente encore et encore d’éviter les hauts et les bas cycliques associés à l’expansion du crédit bancaire.”

Et si ce comportement “incorrigible” était simplement dû au fait que les acteurs économiques adoptent constamment la bonne approche de ce que doivent être la monnaie, le système bancaire et le crédit, même si ces derniers sont fortement manipulés et corrompus par l’autorité centrale ?

En effet, selon d’autres économistes autrichiens comme Murray Rothbard, les individus présentent une préférence naturelle et historique pour des systèmes monétaires stables et ancrés dans des monnaies marchandises. Sans avoir besoin d’étudier la théorie monétaire ni l’histoire de la monnaie, les acteurs économiques attribuent inconsciemment à la monnaie des qualités de réserve de valeur, de neutralité et de durabilité. Dans son livre “État, qu’as-tu fait de notre monnaie ?” Rothbard y explique notamment comment la fin de l’étalon or international en 1914 s’est déroulée sans difficulté particulière et pourquoi les agents économiques ont conservé une confiance déraisonnable en la monnaie, même celle-ci n’était plus adossée à l’or et était fortement manipulée par l’État. L’exemple de l’épisode hyperinflationniste de la République de Weimar en 1923 est éloquent à cet égard. Murray Rothbard explique également pourquoi certains métaux, comme l’or et l’argent, continuent de bénéficier d’un premium monétaire, même s’ils n’ont plus cours légal. Il y a toujours cet a priori que la monnaie est adossée à quelque chose de tangible et de sûr, même quand ce n’est pas le cas.

Il en va de même pour le système bancaire. Les acteurs économiques croient à tort que leur “argent est en sécurité à la banque”, alors qu’en réalité, celle-ci n’en est que le dépositaire et peut en disposer comme elle l’entend. Tout ce que les clients possèdent est une créance envers la banque équivalente au montant déposé. C’est pour cette raison que plusieurs économistes autrichiens souhaitent libéraliser le système bancaire et la monnaie afin que le marché choisisse le système monétaire et bancaire à adopter. Selon certains, comme Jesús Huerta de Soto, l’abolition des privilèges légaux des banques (cours forcé de la monnaie fiat, système bancaire à banque centrale…) révélerait simplement l’inclinaison naturelle du marché pour un système bancaire à réserve complète et un système monétaire dur, basé sur une monnaie marchandise qui échappe au contrôle du gouvernement, voire, plus globalement, au contrôle des hommes.

En dernière analyse, la défense de la banque libre doit être faite non pas comme un moyen d’exploiter les possibilités lucratives de l’expansion du crédit, mais comme un moyen indirect de se rapprocher du modèle idéal de la banque libre avec cent pour cent de réserves obligatoires, modèle qui doit être poursuivi directement par tous les moyens légaux disponibles dans chaque circonstance historique.

Jesús Huerta de Soto

Il en va de même pour le crédit, le prix intemporel du capital. Les acteurs économiques répondent normalement aux signaux prix envoyés par les taux d’intérêt sur le marché du crédit, même si ces derniers sont manipulés par les autorités centrales. Les entrepreneurs interprètent des taux d’intérêt bas comme le moment opportun pour investir dans les étapes les plus éloignées de la consommation. Pourquoi ? Ils intègrent tacitement qu’une abondance actuelle de capitaux, révélée par des taux d’intérêt bas, n’est rien d’autre qu’une promesse de consommation future plus importante que la consommation présente. Au contraire, des taux d’intérêt élevés incitent les entrepreneurs à se concentrer sur les étapes de production les plus proches de la consommation, car l’essentiel des revenus des individus est consommé et non pas épargné.

Les conséquences économiques de l’expansion du crédit sont dues au fait qu’elle distord l’un des éléments de l’équation du spéculateur et de l’investisseur, à savoir les taux d’intérêt. Celui qui n’en a pas conscience tombe dans l’illusion ; ses projets tournent court car ils sont basés sur de fausses données. Seule une parfaite familiarité avec la théorie économique et une analyse approfondie des phénomènes monétaires et de crédit peuvent sauver un homme de l’illusion et le détourner des malinvestissements.

Ludwig von Mises

Naturellement, et sans avoir besoin d’un doctorat en économie keynésienne, les acteurs économiques ont naturellement la bonne approche de la monnaie, du système bancaire et du crédit et comment ces derniers sont censés fonctionner dans le marché libre. Ils sont poussés à l’erreur par toute la manipulation orchestrée par l’Etat. C’est pour cette raison que l’approche autrichienne sur ces questions, comme l’émergence spontanée de la monnaie (Carl Menger, “On the Origins of Money” – 1892) et l’étude de l’action humaine, demeure la seule manière adéquate d’aborder l’étude du processus économique.

Impossible également de ne pas mentionner la “connaissance tacite” développée par l’économiste autrichein Friedrich Hayek. Cette connaissance désigne les connaissances implicites, non formalisées, verbalisées et “comprises” (dans le sens non formellement théorisées) qu’ont les acteurs économiques. Les individus utilisent cet ensemble d’informations quotidiennement sans nécessairement avoir besoin de les articuler ou de les comprendre pleinement. Ainsi, les acteurs économiques adoptent naturellement, “tacitement”, une approche sensée de la monnaie, du système bancaire et du crédit, même sans formation théorique préalable. Les individus possèdent sans le savoir une excellente compréhension intuitive des principes économiques fondamentaux.

Le premier enseignement du malinvestment et du cycle de boom/bust est la nocivité de l’interventionnisme étatique. Le deuxième enseignement est la façon dont les acteurs économiques, incorrigibles, continuent d’appliquer des raisonnements sensés et sains dans un système monétaire et bancaire qui a cessé de l’être. En fin de compte, les individus réagissent toujours de manière rationnelle aux signaux envoyés par le marché. N’oublions pas que l’action humaine est toujours rationnelle même si le résultat final est une erreur et n’atteint pas le but souhaité. Malheureusement, les individus ne se rendent tout simplement pas compte à quel point ces signaux sont manipulés et altérés.

En conclusion de ce bref article, nous pouvons, en tant que bitcoiners, poursuivre cette réflexion et nous demander si Bitcoin ne correspond pas, en fin de compte, à l’idée que les individus se font de la monnaie. Une monnaie neutre, limitée et incensurable sur laquelle un système bancaire éthique pourrait reposer et permettrait un calcul sain du prix intemporel du capital (le taux d’intérêt).

Les individus n’ont pas besoin de comprendre Bitcoin puisqu’ils ont déjà la bonne approche de la question monétaire.

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